Ratings6
Average rating4.3
Lors de la diffusion d'un documentaire sur Emile Ajar, alias Romain Gary, j'ai découvert et apprécié ce dédoublement d'auteur , d'autant que Romain Gary a réussi a obtenir le prix Goncourt sous son nom, puis sous le nom d'Emile Ajar, avec ce livre en en 1975.
Je me suis donc dis qu'il fallait lire ces 2 romans Goncourés(!), et c'est celui là que j'ai lu en premier.
Surprise dès les premières pages : je m'attendais à un roman sérieux voire ampoulé, Goncourt oblige, et on découvre un texte écrit avec le langage oral d'un petit parisien arabe des années 70, pleins de fautes (volontaires) de syntaxe, d'orthographe et d'expressions. Une part du charme et de l'humour de ce livre tient en grande partie à cette langue. le livre s'ouvre sur “la première chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au sixième à pied” qui situe le style.
L'histoire tient en quelques mots : Mohammed, dit Momo, 10 ans (il apprendra plus tard qu'il en a en réalité 14), arabe, fils de pute (au sens littéral) vit avec d'autres enfants chez Mme Rosa, ancienne prostituée, juive, qui recueille et élève ces enfants que leur mère ne peut ou ne veut élever. Mais Mme Rosa est très malade et va bientôt mourir. Momo nous raconte donc, avec ses mots,sa relation avec Mme Rosa, sa perception de la vie, la vie dans le quartier avec des voisins hauts en couleurs (le docteur Katz, les frères Waloumba, la travestie Mme Lola, Monsieur Hamil, ...), la déchéance progressive de la vieille juive et son accompagnement jusqu'à sa mort dans son “trou juif”.
Avec beaucoup d'humour, souvent noir, Romain Gary aborde des thèmes qui lui semblent chers : le racisme, avec en point d'orgue la scène hilarante du père arabe de Momo qui cherche à récupérer son fils, à qui Mme Rosa fait croire qu'il a été élevé comme juif, et qui en meurt; la déchéance et la vieillesse, à travers les maladies de Mme Rosa (“Son organisme ne valait plus rien, et quand ce n'était pas une chose, c'était l'autre”); le droit à mourir, avec une scène clé où Momo demande au docteur Katz d'abréger la vie de Mme Rosa (“Dites, est-ce que vous ne pourriez-pas l'avorter, docteur, entre Juifs?”) au “nom du droit sacré des peuples”.