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Que va-t-on faire de Knut Hamsun ?

Que va-t-on faire de Knut Hamsun ?

2018

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15

Grace à la plateforme de service de presse NetGalley.fr, j'ai eu l'opportunité de découvrir ce roman de Christine Barthe, une auteur(e ?) que je ne connaissais pas. Je crois d'ailleurs qu'il s'agit de son premier roman, ceci expliquant sans doute cela :-)

Le sujet du roman m'avait tout de suite attiré en découvrant son résumé :


Ils m'ont placé dans cette bâtisse, entre hospice et hôpital, service des maladies infectieuses. Ils ne savent pas quoi faire d'un homme comme moi, du nom de Knut Hamsun, Prix Nobel de littérature. La justice piétine, tourne en rond, parle tout bas. Je me doute bien que pour beaucoup de mes juges, il serait préférable que je passe de vie à trépas ou, tout au moins, que je bascule dans la sénilité. On aimerait que mes opinions politiques relèvent de la psychiatrie. On cherche à cerner mon caractère, on pense que j'ai courbé l'échine devant l'Allemand Terboven qui dirigeait notre pays pendant la guerre, et que j'ai baisé les pieds d'Hitler. Grands dieux, ce n'est pas ce que j'ai fait. Ils disent que je suis un traître. Je suis un traître mais mon procès est reporté. Je suis un traître qu'ils ne veulent pas juger. »

Avec les armes de la fiction, Christine Barthe s'interroge sur la dérive tragique d'un écrivain de génie, suivant son héros de son arrestation jusqu'à la cour de justice. Dans un livre percutant, empreint de poésie et de mystère aussi, elle pose la question de l'engagement et de la responsabilité, sans jamais perdre de vue le caractère romanesque de ses personnages.







Certes il n'avait pas aimé, dans les années vingt, le passage à la production industrielle, il avait regardé nerveusement la migration des hommes vers la ville, car ainsi ces hommes oubliaient l'origine de toute chose : la terre. Il avait voulu prévenir par ses romans comment les uns et les autres, en adhérant à la fabrique de masse, allaient perdre leur âme, se mentir à eux-mêmes, mener une vie d'insecte qui déclencherait violence, bassesses, misère. S'était-il trompé ? Le déracinement ne provoquait-il pas le désarroi, la société nouvelle n'entraînait-elle pas l'éclatement de la famille, la science ne prenait-elle pas le pas sur l'amour, l'individu sur la participation commune à la vie sociale ? Quels bienfaits dans cette vie nouvelle, où l'homme étouffe entre vapeur et ciment ? Où la mort plus que la vie s'élève en même temps que la fumée des industries ?





Tu as dit : « Je fais ça pour la Norvège. » Je te demande : « Qu'as tu fait avec Elle ? » Es-tu bien sûr que tu voulais faire le chemin avec Elle ? Es-tu bien sûr que c'était avec Elle que tu voulais voir grandir l'Europe germanique ? Ou pour toi ? C'est une vraie question, Hamsun. Il y a des moments où l'on doit savoir. Sinon, on devient complice, on collabore par manque de discernement, et on se retrouve à suivre un homme nourri de colère au point d'avoir besoin de mettre le monde à ses pieds. Alors toi, quelle colère t'a porté jusqu'à Hitler ? Ton enfance ? Tes errances ? La sensation un temps d'avoir été rejeté ? Les Anglais ? Je ne peux pas croire que tu aies écrit ces livres sans avoir jamais dépassé tes tourments. Pourtant. Tu as cautionné la terreur plus que la grandeur. Même si tu t'en défends. Même si tu te mens.
September 4, 2018Report this review