Un refuge

Un refuge

2020 • 252 pages

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Cela n'arrive pas tous les jours, mais c'est toujours un plaisir quand quelqu'un que l'on connait de près ou de loin publie un livre. C'est le cas avec Un refuge, un roman de Cyrille Lociciro.

L'auteur fait partie de ces personnes avec qui j'échange régulièrement sur Twitter, parce que nous avons des centres d'intérêt communs, des affinités sur certains sujets, et probablement des visions du monde pas totalement incompatibles si je peux l'exprimer ainsi. Même si nous ne sommes pas d'accord sur tout – ce qui serait d'ailleurs ennuyant au possible – c'est quelqu'un dont j'apprécie la façon de penser et de s'exprimer et dont je respecte les opinions, même quand elles diffèrent des miennes.

Je ferme cette parenthèse pour en venir au sujet proprement dit, ce roman dont le résumé m'aurait sans doute donné envie de le lire même si je ne connaissais pas son auteur :

Gabriel a fui. Loin de Paris, de l'agitation politique et surtout d'Alexandre, à la fois son mentor, son thérapeute et son amant. Bel homme, charismatique, Alexandre est l'un de ces êtres à qui rien ne résiste. Et lui résister, Gabriel n'y parvenait plus. Alors, pour se soustraire à son influence néfaste, il a fui. C'est en Bretagne qu'il a trouvé refuge, dans une petite maison où, lentement, il tente de se reconstruire...Sur fond d'uchronie politique, dans une France où Ségolène Royal est devenue présidente en 2007, Cyrille Lociciro dresse le portrait psychologique complexe et profond de deux hommes, l'un manipulateur, l'autre manipulé, dont la relation aussi profonde que toxique menace de tout détruire, bourreau comme victime.

Dès les premières pages, un constat s'impose : la lecture est fluide, facilitée par un style direct, sans fioritures. Les chapitres racontent en alternance la vie de Gabriel à Paris sous l'influence d'Alexandre et son refuge en Bretagne après avoir tout plaqué. Ils sont généralement courts, s'enchainent bien et donnent envie de lire la suite sans attendre.

On le perçoit en le lisant : l'auteur est à la fois un amateur de politique et un amoureux des mots et des livres. On sent aussi qu'il a voulu évoquer plusieurs sujets dans ce livre. Je pourrais citer le monde de la politique, l'emprise d'une personne sur une autre, le deuil d'un être aimé, et dans une moindre mesure l'amour non réciproque. Par moments, j'ai craint que l'auteur ait voulu écrire plusieurs romans en un, alors que chaque sujet aurait mérité un roman à part entière. Heureusement, chaque sujet est traité avec justesse et l'ensemble fonctionne bien.

Un exemple : l'emprise d'Alexandre sur Gabriel est parfaitement décrite. En tant que lecteur, j'ai bondi à plusieurs reprises en me disant que cette fois c'était trop, que Gabriel allait claquer la porte, envoyer balader Alexandre, tout en sachant qu'il allait certainement replonger entre les griffes de son mentor.

Un autre exemple : le choix de l'auteur de placer son récit dans une uchronie politique. Dans la France imaginée par Cyrille Lociciro, Ségolène Royal a remporté l'élection présidentielle de 2007 et affronte la crise financière de 2008. Ce qui m'est d'abord apparu comme un gadget, presque un caprice de l'auteur pour se faire plaisir, prend tout son sens par la suite.

Je me demandais où l'auteur voulait nous amener avec cette double histoire politique et psychologique, avant de comprendre que les deux aspects du récit nous parlent de pouvoir, de séduction, d'autorité, d'illusions, de désillusions, et de plongée dans les abysses. C'est malin, bien fait, et efficace.

S'il y a quelques maladresses dans l'écriture, ce roman propose surtout un récit sincère et sensible sur des sujets qui me parlent. Un plaisir auquel je ne regrette pas d'avoir goûté !

June 19, 2020Report this review